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La disposition intérieure dans la pratique*

* Au sens de l’attitude intérieure, pas de l’ameublement

Capture_02Il n’est souvent pas clair au début de savoir ce que le Yoga peut nous apporter c’est souvent plus une intuition, ou un questionnement qui nous amène à nous intéresser à cela. Ensuite l’engagement dans la pratique est souvent le fait d’un chemin qui nous mène d’un questionnement à l’autre.

Par exemple, certaines personnes viennent assister à un premier cours parce qu’elles ont mal au dos ou parce qu’elles cherchent une détente. Il se peut qu’elles finissent par se demander pourquoi elles ont mal au dos, à interroger leurs tensions. Cela peut attirer leur attention vers une autre souffrance, plus profonde peut-être, qui va amener d’autres réponses ou d’autres questions.

Contrairement à ce que certains peuvent penser, en nous posant avec attention les bonnes questions, nous ne nous compliquons pas la vie. Nous la simplifions, nous l’épurons de l’inutile et ainsi nous l’éclairons. Lire la suite…

Ou télécharger l’entier du texte en pdf  « La disposition intérieure dans la pratique du Yoga »


Où un préalable est posé

Selon Patanjali, qui a écrit les premiers textes connus sur le Yoga, cette pratique vise à calmer le mental et à lever le voile des émotions qui perturbe notre perception de la réalité. Toutes nos actions pourraient alors être plus cohérentes, portées par notre « être profond », devenant ainsi une source d’épanouissement. Nous pourrions alors diminuer notre tendance à répondre de manière mécanique à notre quotidien, à sortir de nos schémas de comportements et de nos conditionnements.

Mais pour cela, tout comme une graine a besoin d’une terre fertile pour pousser, la pratique du Yoga demande une certaine disposition intérieure. Cette disposition n’est pas une approbation à une vérité ou à un dogme, mais simplement une ouverture de l’esprit et du cœur. Il n’est pas demandé de croire, mais d’expérimenter, de vérifier par nous-mêmes, à la lumière de notre lucidité.

Dans un cours ou chacun effectue les mêmes postures, chacun pourtant pratique à sa manière, à travers ses filtres et ses savoirs. C’est inévitable. Comme le souligne Iyengar, certains pratiquent de manière distraite, d’autres avec engagement, d’autre de manière désabusée, d’autres encore avec étonnement. Mais ce qu’il est important de relever, c’est que peu importe la qualité des enseignements que nous recevons dans un cours de Yoga, notre compréhension intérieure ne pourra réellement s’approfondir que si nous, et nous seuls, expérimentons. Car sans l’expérimentation, il n’y a aucune véritable compréhension possible. Sans cela, nous jouons avec les concepts, en les acceptant ou les rejetant selon notre expérience… sans voir ce que cela implique véritablement pour nous.

Or, il y aurait une manière de pratiquer qui permettrait de réduire nos filtres déformants et d’amener une perception plus ouverte, plus objective de la réalité. Il s’agit d’une écoute consciente de toutes nos réactions quelles qu’elles soient. C’est un exercice de présence à soi. Pour se libérer de nos prismes et de nos conditionnements, le premier pas est d’en avoir conscience. Ainsi, quelque soient les sensations, les émotions, les pensées, il est important d’essayer d’en prendre conscience sans les juger. Et si nous les jugeons, regardons ce jugement, mais sans le juger lui-même. Plus nous adoptons cette attitude, plus nous serons attentifs et lucides. C’est une manière d’intégrer, de toucher la compréhension à l’intérieure.

Pratiquer le Yoga n’est donc ni un exercice uniquement physique, ni un exercice de réflexion, c’est d’abord être à l’écoute de nos bruits. Un moine zen disait, il n’est pas possible d’écouter le silence, il faut « être » le silence.

Et écouter nos bruits intérieurs qui se manifestent sous la forme de pensées, de discours intérieurs, de sensations physiques, d’émotions, est la seule manière d’être silencieux car nous devenons alors le silence qui écoute.

Il est important de comprendre que ce questionnement est un processus… et qu’il serait dommage de vouloir y répondre de manière trop rapide. Laissons le questionnement nous « travailler », s’approfondir. S’affiner. L’intérêt est d’ouvrir un champ de conscience plus grand, qui se traduira en général par une autre question, encore plus vaste. Trouver une réponse rapide à un problème n’amène souvent qu’une réponse limitée et partielle, qui met fin à toute recherche. Au contraire, c’est par l’approfondissement que le problème s’éclaire et qu’il pourra peut-être alors se dissiper naturellement.

« Le savant n’est pas l’homme qui fournit de vraies réponses; c’est celui qui pose les vraies questions ». Lévi-Strauss

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Pratiquer dans la joie

Certaines personnes pensent que les choses sérieuses doivent être effectuées dans une ambiance sérieuse, parfois austère. La notion de « devoir » est souvent très présente dans notre culture où la religion a beaucoup véhiculé l’idée qu’il est nécessaire de souffrir pour obtenir quelque chose. Or, «au-delà d’une discipline saine, il faut savoir rester doux avec soi-même » (M. Ermann, Desiderata). Notre pratique doit être avant tout joyeuse. Dans cette optique, si vous vous faites violence pour pratiquer péniblement deux heures avant d’aller travailler, vous risquez au contraire de refermer ce qui cherche à s’ouvrir. C’est lorsque nous faisons avec envie une pratique, parce que nous sommes conscients que cela nous est utile, qu’elle portera au mieux ses fruits.

De la même manière, l’idée que la souffrance nous conduit à la vérité et qu’elle est nécessaire au développement personnel est une erreur. Ce n’est pas parce que nous souffrons que nous nous développons. La souffrance est fondamentale et inévitable, c’est la première des quatre nobles vérités énoncée par Buddha. Masi c’est son dépassement qui nous amène vers plus de liberté. Si nous restons trop longtemps dans de grandes souffrances, cela signifie probablement que nous faisons fausse route. Il y a parfois une complaisance ou une identification face à la souffrance; il est plus facile de se complaire dans un rôle de victime que de faire face à une situation donnée. Elle peut devenir une partie de notre identité et nous donner une fausse impression de profondeur. Or, si nous devons apprendre de la souffrance, elle n’est pas notre chemin. Notre chemin est la cessation de la souffrance … et cela passe par son acceptation, pas par son entretien!

La joie que nous recherchons n’est pas un état euphorique temporaire, mais une qualité d’être qui se traduit par une profonde paix intérieure. Il y a donc un intérêt à effectuer toute pratique avec enthousiasme, avec humour et bienveillance envers nous-même. Comme Jean Lechim aime à le dire: «si le Yoga n’est pas joyeux dès le début, ce n’est pas du Yoga».

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L’observation consciente

Si le fait d’appréhender notre réalité de l’instant sans jugement et sans attente pourrait avoir un effet de transformation sur notre état intérieur (ou pas), cela pourrait également nous amener à une perception plus objective de la réalité et par conséquent à une action plus juste.

« Pour agir il faut quelqu’un qui agisse : avant toute action vérifiez bien l’acteur. » Swami Pranjapad

Il convient ici de préciser ce que l’on entend par l’action juste. Il ne s’agit pas d’une action juste dans l’absolu (nous tomberions une fois de plus dans le piège de la dualité : bien, pas bien) mais plutôt d’une tendance qui irait vers une action plus juste.

Selon Eckart Tolle, le fait d’aller au-delà du mental est un pas vers une partie de nous qui est beaucoup plus profonde, profondément libre, dotée d’une intelligence beaucoup plus grande, qui transcende notre mental ou nos compétences « techniques ». Or, une fois établi dans cette dimension, cette intelligence supérieure peut ensuite nous amener vers une action plus juste par une meilleure utilisation de notre mental et de nos talents.

Dans ce processus, notre mental est une aide précieuse. Il vous permet par exemple de lire ce texte, mais il est également l’obstacle qui nous empêche de faire l’expérience de cette dimension : il est à la fois l’aide et l’obstacle.

Pour vous donner une image, Eckart Tolle nous dit que le mental nous amène à la porte, nous l’ouvrons, nous faisons un pas vers cette autre dimension, mais dès le moment où nous essayons d’appréhender ce qui se trouve-là avec notre mental, nous retrouvons à nouveau dehors, devant la porte. Cela demande pour la plupart d’entre nous d’un processus d’apprentissage qui demande un effort soutenu. Peut-être que du point de vue du mental, il n’y a rien d’intéressant à trouver derrière cette porte. Mais il faut persister et voir si nous pouvons entrer plus pleinement dans cette dimension et expérimenter, non pas quelque chose de fondamentalement positif, mais une absence totale de négativité, qui est produite en permanence par notre mental : je voudrais plus de ceci, moins de cela.

Si vous trouvez cet espace à l’intérieur de vous, même pour une seconde, même s’il est infime, vous commencez à ouvrir une porte vers un autre état de conscience, qui va faire en sorte que vous allez percevoir la réalité d’une autre manière… beaucoup plus objective. Cela peut prendre du temps jusqu’à ce que la transformation se manifeste dans votre vie. Mais plus vous expérimentez cet état de présence dans votre vie quotidienne, plus vous pourrez constater une diminution des pensées négatives qui traversent continuellement votre esprit, une augmentation de votre clarté mentale et de votre niveau d’énergie. Dans cet état vous réalisez que vous êtes beaucoup plus que vos pensées, que vous êtes vivants !

« Aujourd’hui n’est que la mémoire d’hier, et demain le rêve d’aujourd’hui » Khalil Gibran

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Attention aux voies de garage

Il y a également dans toutes les pratiques dites « spirituelles » telles que le Yoga et la méditation de nombreuses voies de garages… qu’il est aussi intéressant d’expérimenter. L’une d’entre elles est le fait de chercher de manière excessive à créer dans sa vie les conditions propices à la paix intérieure. Ce type de comportement, outre un phénomène de décalage ou d’isolement avec les autres pourrait nous amener à refuser par peur, ou par confort, les expériences ou les circonstances de la vie qui pourraient nous amener des perturbations. Chez certaines personnes ce refus peut se manifester par une présence éthérée, un flottement, des absences, un esprit qui se déconnecte du corps – par là même de la réalité – ce qui rend difficile la prise de décision et l’action. Chez d’autres ce phénomène se manifeste par de l’intolérance ou une certaine rigidité dans leurs croyances. L’écueil est le même. Or, il est important de relever que toutes ces pratiques visent en principe une acceptation de la réalité telle qu’elle est, de laquelle découlerait une paix intérieure… et non pas une adaptation des conditions extérieures pour qu’elles soient plus acceptables intérieurement. Il s’agirait dans ce cas d’une fuite de la réalité.

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Le pouvoir de l’engagement

« Nous pouvons nous transformer si nous en avons l’espérance et si nous nous engageons avec exigence. » Pierre Rabhi

Ainsi que nous l’avons dit plus haut, la pratique du Yoga est souvent le fait d’un chemin qui nous mène d’un questionnement à l’autre. Or, si l’engagement dans une pratique spirituelle ou de développement personnel peut nous amener vers un mieux-être, cet engagement est également doublement difficile.

D’une part il implique de sortir de sa zone de confort, de faire face à ses insuffisance, à la douleur et à la souffrance, ce qui n’est pas toujours facile.

D’autre part, une fois que nous nous sommes engagés sur cette voie, il n’y a souvent plus de retour possible car la compréhension de nos insuffisances nous amène forcément des prises de consciences, des décisions, des changements.

« Tant qu’on ne s’est pas engagé, persistent l’hésitation, la possibilité de se retirer, et toujours aussi, dès qu’il s’agit d’initiative ou de création, une certaine inefficacité. Il y a une vérité élémentaire dont l’ignorance a déjà miné nombre de grandes idées et de plans merveilleux : c’est que dès l’instant où l’on s’engage, la Providence intervient, elle aussi. Il se produit toutes sortes de choses qui autrement ne se seraient pas produites. Toute une série d’événements jaillissent de la décision, comme pour l’appuyer par toutes sortes d’incidents imprévus, de rencontres et de secours matériel, dont on n’aurait jamais rêvé qu’ils puissent survenir. Quoi que vous puissiez faire, quoi que vous rêviez de faire, entreprenez-le. L’audace donne du génie, de la puissance, de la magie. Mais commencez maintenant.» Goethe

Selon Patanjali, la connaissance de soi est un chemin difficile mais lumineux et indispensable, qui consiste à aller de l’ignorance vers la compréhension, du somme vers l’éveil, de la révolte vers le lâcher prise, du refus vers l’acceptation, de la dépendance vers la liberté, du conflit vers la paix.

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