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7 avril 2015

Invitation au voyage…

L’instant présent est unique, tangible et précieux, parce qu’il est éphémère. On ne revivra jamais le moment présent. C’est une réalité. Et c’est dans cette conscience du temps qui passe, dans le quotidien tissé de milles petites choses, amusantes, graves, agréables, pénibles, soudaines, insignifiantes que notre avancée dans la vie prend un sens.

Tout le comme le voyage, l’accomplissement de chaque journée requiert finalement adaptation, acceptation, curiosité, humilité, sensibilité… qui sont le nécessaire contre poids à nos peurs, nos incertitudes, découragement, fragilités… Et puis il y a aussi la légèreté, notre meilleur compagnon pour avancer. En effet, pour se déplacer facilement, pour saisir les opportunités qui se présentent, nous devons apprendre à nous délester des bagages inutiles. Bien plus que les choses elles-mêmes, c’est l’attitude de garder qui nous pèse. A l’intérieur de soi on empile les peurs, les colères, les tristesses et d’autres sentiments parasites… qui enchaînent notre vie. Le transport de tout ce fourbi a un prix, celui d’augmenter notre peine, de freiner notre marche, d’empêcher nos yeux de voir avec lucidité, nos oreilles d’entendre avec clarté.

Sur ce chemin, la pensée qui accompagne chacun de nos pas est essentielle. Je veux parler de cette aptitude à découvrir dans les choses négatives une occasion de progresser et de nourrir positivement notre pensée. Tout est semence. L’air que l’on respire, la nourriture que l’on absorbe, chaque parole que nous prononçons, chaque écrit que nous lisons.

Laisser tomber le superflu, aller à l’essentiel, apprendre à faire confiance en la vie et dans le fait qu’elle nous amène exactement ce dont nous avons besoins, découvrir de nouveaux territoires jusque là insoupçonnés… se laisser guider par sa voix intérieure. Notre boussole, deviendrait alors la boussole du vivant. Les repères ne seraient plus extérieurs, ils deviendraient intérieurs.  C’est en avançant dans la conscience de soi, lucide et avec confiance que l’on pourrait se trouver et découvrir son chemin… et puis s’émerveiller davantage, s’étonner, jouer, aimer, s’aimer.

« Il y en a qui ont le cœur si vaste qu’ils sont toujours en voyage. » J. Brel

Voyage à la rencontre de soi

Le mot chemin, voie, voyage a été utilisé depuis toujours pour imager le processus de transformation qui est à notre portée à tous, et qui tend vers la libération ou l’éveil. Ce voyage intérieur commencerait par un enchaînement de prises de conscience:

  • conscience de mon corps, de sa force et de ses limites
  • conscience de mes besoins physiques
  • conscience de mes pensées, de mes traits de caractère
  • conscience de mes modes de fonctionnement
  • conscience de mes blessures
  • conscience de mes peurs, de mes doutes
  • conscience des prisons dans lesquels je m’enferme…

C’est alors que se présente bien souvent un moment clé, déterminant, douloureux aussi, où nous pourrions être tentés de nous juger, durement, sévèrement. La réaction à ce jugement, selon les anciens schémas de lutte et de dualité, pourrait susciter une forte volonté de « travailler dur » pour changer, pour corriger toutes ces choses chez nous que l’on juge inadéquates, sources de problèmes. Nous mobilisons alors une énergie guerrière afin de reprendre la maîtrise de notre vie. Mais il est une vérité universelle : on ne gagne jamais lorsqu’on se bat contre soi-même. Il y aurait une autre manière d’aborder ce cheminement, de dépasser la voie de la dualité, celle de la présence bienveillante. Juste ça.

Exercice

Détendez le corps physique, prenez conscience de ce qui est là, ici et maintenant. Inspirez dans le centre cœur, expirez en diffusant l’énergie du souffle dans tout votre corps avec l’intention suivante :

  • Bienveillance envers moi-même, mes forces et mes limites.
  • Bienveillance envers les autres avec leur différences
  • Bienveillance envers les erreurs passées, les miennes et celles des autres
  • Bienveillance envers les erreurs à venir, qui seront également porteuses de messages et d’enseignement.
  • Bienveillance envers mes imperfections et celle des autres, car elles sont aussi le signe de notre humanité.
  • Bienveillance envers le monde qui m’entoure avec ses toutes ses parts d’ombre et de lumière.

Tout comme en voyage, il est nécessaire parfois de faire le point en se demandant : « Ou est-ce que je me trouve ? », « Quelle distance ais-je parcouru », « Quelle direction dois-je prendre ? ».

A ces moments décisifs du chemin, il serait bon alors pour mon avancement de prendre du recul sur la culpabilité et le jugement que je m’inflige, pour approcher la responsabilité. Voir mes erreurs passées et respecter ce riche enseignement qu’elles m’ont apporté. Regarder les difficultés auxquelles la vie m’a confronté et voir toutes les belles qualités que j’ai développées pour les surmonter. Comprendre que chaque chose est à sa place, qu’il y a des choses que je ne peux maîtriser. Comprendre que c’est la conscience et l’acceptation de cette non-maîtrise qui me redonne toute la maîtrise. Comprendre que ce n’est pas le contenu de mes pensées qui me rend malade mais le fait de les refuser : de refuser la vie, l’imprévu, les difficultés, la maladie, la douleur, l’imperfection, la colère, la tristesse, la peur, les doutes.

Demeurer conscient lorsque la colère m’emporte, demeurer conscient lorsque la tristesse m’envahit, demeurer conscient lorsque mon corps m’envoie des messages. Alors, le travail se ferait tout seul. Cela ne serait donc plus un « travail » à proprement parler, tout découlerait naturellement de la conscience. Ce cheminement m’amènerait doucement à la rencontre avec moi-même, me permettant de renouer avec ma vulnérabilité et mes ressources intérieures.

« Soyez fier de qui vous êtes. Voyez la force qui vous anime et ayez un profond respect pour ce beau chemin que vous avez accompli jusqu’à présent. Ayez confiance dans ce que vous êtes, confiance dans ce qui vous arrive, confiance dans la vie. C’est ainsi que chacune de vos expériences prendrait du sens sur votre chemin… qui prendrait forme ».

Faire de sa vie un voyage… et du quotidien son maître

Dans la pratique du yoga, tout comme dans l’existence, très vite, tout se répète. Les postures se suivent, tout comme les jours défilent, le travail, les vacances, une année passe puis l’autre… Mais pour une personne qui est sur le chemin, tout est tout le temps nouveau : le quotidien est rempli de milles petites choses qui donnent de la densité au temps qui passe. Ainsi, s’engager sur ce chemin de la transformation au sens spirituel reviendrait à faire de sa vie un voyage : quitter sa maison, quitter sa ville, quitter les paysages auxquels je suis habitués et chaque jour, chaque kilomètre, découvrir de nouvelles montagne, de nouveaux horizons.

L’un des signes de « progrès » pourrait alors être cette impression de renouvellement, de nouveauté. Je prendrais alors conscience que ce que j’appelle aujourd’hui médiation, liberté, amour… tous ces mots auront un tout autre dans un an, et encore tout autre dans cinq ans. De la même manière, peu importe si je répète les postures à l’identique, de manière toujours aussi imparfaite, cela ne signifie pas que je ne suis pas sur le chemin, cela ne signifie pas que je n’évolue pas. La distance parcourue ne se mesure pas aux centimètres qui séparent mon front de mes genoux quand je suis en pince ! L’importance est la présence que je mets dans ce que je fais, l’élargissement de mon champ de compréhension, c’est là que ce mesure le véritablement avancement.

« On progresse pour finalement arriver au stade ultime où il n’y aurait plus de progrès mais on s’établirait simplement dans la paix. » Arnaud Desjardins

Sur ce chemin de la recherche spirituelle, certaines personnes se débattent dans un quotidien ou tout semble aller toujours si vite, tandis que d’autres optent pour une vie retirée. Dans la tradition védique dans lequel s’inscrit le Yoga, ces personnes sont appelées sadakha ou disciples. Entourés de moniales ou de moines, à proximité de grands maîtres, la pratique est au centre de chacune de leur journée. Comme un élève qui souhaiterait apprendre à jouer du piano, il est clair qu’il est plus facile d’accéder à la virtuosité si on y consacre 18 heures par jour que 4 heures par semaine. Mais comment faire si nous ne sommes pas prêts à renoncer à une vie de famille, une vie sociale et professionnelle ? Y a-t-il une autre option?

Arnaud Desjardins disait que l’on peut s’isoler dans un monastère en présence d’un maître, mais qu’au fond, le maître ultime, ce sont les petites choses de notre quotidien. Il serait donc possible de continuer à vivre une existence dans laquelle on travaille, on gagne de l’argent, on a des enfants, mais pour autant qu’on soit dans l’état d’esprit du disciple, pour autant qu’on soit véritablement, complètement engagé sur la voie.

Il est vrai que la proximité d’un maître, de par sa conscience élargie, nous guide et nous confronte souvent à des épreuves qui ont pour but de nous faire progresser : discipline, frugalité, renoncement, pratique. Alors, bien sûr, si vous décidez de partir vivre dans un monastère pour vous consacrer pleinement à votre vie spirituelle, chaque difficulté vous la verrez plus facilement comme un choix : j’ai voulu la libération, j’ai renoncé à tout, je suis ici pour ça. Du coup, quand dans votre ashram votre maître vous réveille à trois heures du matin pour réciter des prières… ou pour cirer le parquet… ça vous semble faire du sens sur votre chemin.

Mais alors pourquoi ne pas considérer de la même manière le chat qui a vomit, les fourmis dans boîte à sucre, le train qui est en retard, cette fatigue, cette colère… ? Pourquoi ne pas considérer chacun de ces évènements comme une opportunité d’avancer ?

Bien sûr dans un monastère, tout est là pour vous rappeler à chaque instant « soyez présents, soyez présents ». Mais même loin d’un ashram, loin d’un monastère, si vous prenez conscience que le quotidien est la pratique suprême, l’enseignant ultime, alors chaque moment devient une opportunité pour avancer. On ne saurait plus alors refuser ce qui est là. On peut trouver dures les conditions auxquelles nous sommes confrontés, mais on sait qu’elles sont justes. Au final qu’on soit dans un monastère au sommet de l’Himalaya ou qu’on vive dans une grande ville européenne, le chemin est le même, l’exercice est le même : conscience, présence, bienveillance…

« Si, seconde après seconde, vous accueillez l’existence, telle qu’elle est, comme la grâce du gourou à l’œuvre, je vous promets que le Chemin sera parcouru très vite… ». Arnaud Desjardins

Photo à la une: Grégory Colbert, merci.

Comments

  1. Nicolas

    Merci pour ces fleurs de sagesse.

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